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rent nos rues. Le mari a son droit. On se laisse frapper par lui ; en le dépouillant, on l’épargne.

Mais le rival ! Tout ce qu’un cœur ulcéré peut contenir de haine, on l’entasse sur la tête du rival heureux. Contre celui-là les scrupules ne sont pas de saison. Point de ménagements à garder, point de mesures ! Toutes les armes sont bonnes, tous les stratagèmes aussi.

C’est la guerre sans pitié ni brève. Il faut que l’un des deux ennemis meure.

Certes, au fond de sa douloureuse impuissance, Vincent Carpentier ne raisonnait pas ce sentiment, mais ce sentiment était en lui.

Il voyait, au delà de la porte fermée, par les yeux de son imagination, la figure de l’ennemi, la figure du vainqueur, cette tête pâle et blanche, plus pâle et plus blanche sous sa couronne de cheveux noirs.

Il voyait ce regard froid comme l’acier, ces joues de femme, imberbes et douces, ce sourire tranquille, mais cruel.

Il ne souhaitait pas d’armes, il ne demandait que deux mains libres pour les nouer autour de cette gorge efféminée et pour l’étrangler avec un râle voluptueux.

Vincent Carpentier n’avait pas bougé depuis son entrée dans la chambre du Trésor. Matériellement, il lui eût été impossible d’avancer ou de reculer, ne fût-ce que d’un pouce.