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tu peux choisir le collège et la pension, mon ami Vincent…

— Comment vous remercier, monsieur ?… voulut interrompre Carpentier, dont la joie colorait les joues pâles.

— Que sais tu si tu as à me remercier ? demanda froidement le vieillard.

Carpentier resta interdit.

— Un homme comme vous, assurément, balbutia-t-il, ne peut rien m’ordonner que d’honorable.

— Parbleu ! fit le vieillard avec mauvaise humeur ; il y a des instants, mon compagnon, où on vous croirait bête comme un chou. Ne vous fâchez pas : je passe bien pour un hypocrite, moi, parce que je dépense mon argent ailleurs qu’à l’Opéra ou à la Bourse. Je n’ai encore jamais assassiné personne, ma chatte, et ce serait commencer bien tard… Ne t’excuse pas et regarde-moi, bonhomme, dans le blanc des yeux, comme on dit. Tu plais à Fanchette, tant mieux pour toi ! cela te portera bonheur. Ta figure est brave et bonne ; j’ai assez d’ennemis pour ne pas dédaigner un ami. Tu es ambitieux, je te l’ai déjà dit ; le savais-tu ?

La fixité de sa prunelle avait rabattu les paupières de Vincent, dont la figure exprimait un véritable malaise.

— Aujourd’hui, continua le colonel, tu travailles