Page:Féval - Les Cinq - 1875, volume 2.djvu/99

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Mais quel abîme, à la fin ? s’écria M. de Sampierre dans un mouvement de révolte : Vous expliquerez-vous ! Je vous ordonne de vous expliquer.

Pernola lui présenta un siège.

— C’est un abîme profond que la ruine, prononça-t-il à voix basse : je dis la ruine complète, quand on a possédé la plus grande fortune de l’Europe !

M. de Sampierre ouvrit la bouche pour répondre, mais la parole s’étrangla dans son gosier.

Ses yeux s’injectèrent de rouge au milieu de la pâleur de son visage.

Il chancela, puis se laissa lourdement aller dans le fauteuil. Pernola s’assit auprès de lui.

— La ruine ! balbutia enfin M. de Sampierre. Il y a des choses impossibles ! Paléologue était plus riche qu’un roi ! Sampierre est encore plus riche que Paléologue !

Il baissa les yeux sous le regard froid et clair de Pernola.

Celui-ci dit avec lenteur, en piquant chacune de ses paroles :

— Il était une fois un homme puissant qui, menacé par beaucoup d’ennemis, prit peur et chercha une armure impénétrable, à l’abri de laquelle il pût braver le danger qui l’enveloppait. Après s’être bien creusé la cervelle, il s’écria un jour comme Archimède : « J’ai trouvé ! on ne tue pas les morts : je vais me faire passer pour mort. » Aussitôt dit, aussitôt fait. Il feignit d’être malade, joua la comédie du dernier soupir et fit enterrer une grosse pierre à sa place dans le tombeau de ses