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fois ce portrait sur la toile. Je dessinai la figure d’un jet. C’était vivant de ressemblance.

— Vivant ! répéta Pernola.

Il avait de la sueur aux tempes.

— Toute œuvre qui tombe de mon pinceau est vivante, expliqua M. de Sampierre.

— Il est juste, fit Pernola d’un ton soumis. Mais à qui se rapportait cette vivante ressemblance ?

— À mon fils Domenico, prince Paléologue.

— Vous disiez, cependant, tout à l’heure…

— Suis-moi bien. Je ne serai pas dur avec toi : certitude scientifique ne veut jamais rien dire, sinon suffisance de preuves. Chaque fois que l’histoire cite une erreur judiciaire, c’est la certitude scientifique qui a coupé la tête de l’innocent.

— Alors, balbutia le comte, vous n’êtes pas sûr ?…

— Tu ferais mieux d’écouter. C’était vivant, je te le dis ! cela me faisait peur. J’effaçai. Puis je regrettai d’avoir effacé. Un jour, je repris mes pinceaux comme malgré moi, et la figure sortit encore de la toile : la même figure… Vous êtes distrait, mon cousin !

Au lieu de repousser cette accusation comme on s’excuse d’un blasphème, Pernola mit un doigt sur sa bouche. Son regard inquiet et perçant interrogeait les deux croisées qui s’ouvraient du côté du parc. Le soleil en frappait d’aplomb les persiennes et le vent y agitait les ombres des feuillées.

Un bruit léger passa au travers des planchettes.

C’était comme le pas d’une femme qui eût marché avec une extrême précaution le long du mur.