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petits tours de la rouerie féminine étaient exécutés par lui avec une admirable vérité.

M. de Sampierre essaya de se raidir, et même, pour faire montre de courage, il releva les yeux sur le portrait qu’il avait refusé de regarder tout à l’heure.

Le vent avait tourné dans sa pauvre cervelle. La vue de cette toile qui aurait dû le remuer si profondément le laissa indifférent.

— Il y a des instants, dit-il, où je souhaiterais être pauvre pour utiliser les talents dont le Créateur m’a comblé. Je serais un grand peintre, si je voulais, et un grand médecin, et un grand légiste aussi, car j’ai étudié le droit dans ces dernières années, et vous savez comme j’étudie, mon cousin, quand je m’y mets… Ne soyez pas fâché contre moi, Battista, j’ai été injuste : je me souviens que plus d’une fois vous avez défendu la princesse-marquise, même contre moi. Dieu merci, rien ne m’échappe.

Pernola, jouant l’homme qui cède à un irrésistible entraînement, se précipita à ses genoux en balbutiant :

— Oh ! généreux, généreux maître !

M. de Sampierre le baisa au front avec une grave condescendance.

— Vous n’avez jamais partagé, reprit-il, les soupçons qui firent si longtemps mon malheur, et c’est malgré vous, jadis, que j’accomplis cet acte…

Il s’interrompit comme s’il eût cherché un mot qui le fuyait. Son doigt tendu montrait son propre portrait que Pernola avait laissé découvert.