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deux cents farceurs et farceuses étaient là qui criaient comme au carnaval.

Mlle Coralie dessina un pas de cancan et prononça en toutes lettres le mot un peu trop expressif qui salue nos mascarades à l’époque bénie de Mardi-Gras. La joie était générale. M. Szegelyi, toujours grave, but sa demi-tasse à petites gorgées et reprit :

— C’est de ne pas bavarder tous ensemble, si vous voulez savoir le reste.

— Voyons le reste ! voyons le reste !

Le concierge en chef, sans rien perdre de sa gravité, baissa le ton et rabattit ses paupières.

— Chacun sait bien, dit-il en cherchant ses mots, que les morts ne reviennent pas, communément, après avoir goûté du cimetière…

Il s’arrêta. Tout le monde faisait silence. Mlle Coralie qui était parisienne puisqu’elle ne connaissait pas son lieu de naissance, s’écria :

— Papa Szegelyi, si vous nous contez une histoire de revenants, je vas vous embrasser sur les deux yeux.

Le concierge branla la tête et murmura :

— Chez nous, là-bas, le long du Danube, de l’autre côté de Giurgevo, on voit des choses surprenantes. Je n’y crois pas, mais je n’aime pas qu’on rie à propos des trépassés. Ça porte malheur… vous avez tous connu ici le jeune M. Roland…

— Parbleu ! fit-on.

— Un joli brin d’amour, ajouta Coralie, s’il n’avait pas été si pâle. Princesse Charlotte l’a assez pleuré !