Page:Féval - Les Cinq - 1875, volume 2.djvu/454

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Charlotte voulut s’approcher de l’aveugle qui avait repris son immobilité, mais la marquise s’appuya sur elle en gémissant :

— Mon Dieu ! mon Dieu ! celui qui ressemble à Roland n’a rien dit ! C’est toujours l’autre qui parle !

— Et toi, se reprit-elle toute frémissante en se voyant dans les bras de Mlle d’Aleix ; toi ! Carlotta !… Ma tête se perd, c’est certain ! Je t’aimais tant, ma fille… Et voilà que tu me regardes avec les yeux de Laure !

— Madame, dit Charlotte, je vous ai dit la vérité, et je n’ai pas trouvé créance devant vous. À quoi bon essayer encore ?… Désormais, c’est la servante qui va prononcer l’arrêt de ses maîtres ; c’est la pauvresse qui tient en sa main les millions ; c’est l’aveugle qui va faire la lumière. Écoutez Phatmi quand elle parlera.

Et c’était aussi le fou qui seul avait l’air de garder quelque présence d’esprit au milieu de la confusion générale. Ces braves seigneurs du conseil de famille offraient l’image du plus complet désarroi.

M. de Sampierre examinait avec beaucoup d’attention les trois taches empourprées qui teignaient toute la poitrine de Blunt, et dont les circonférences empiétaient l’une sur l’autre, comme feraient les cercles produits par trois pierres tombant dans l’eau du haut d’un pont. Il pensait :

— Avant le baiser de mon fils, il n’y avait que deux blessures. Qui donc a fait la troisième ?

Son œil clair et presque souriant fit le tour du tribunal. Il hocha la tête et demanda paisiblement :