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L’un des deux hommes était Joseph Chaix, l’autre Chopé, l’unique employé de l’administration du pauvre Vincent Chanut.

Tous deux, Joseph et Chopé, avaient les yeux gros de larmes qui ne venaient pas du même deuil.

L’un pleurait sa femme et l’autre son maître.

Sur le brancard était couché capitaine Blunt, dont la poitrine ressemblait à une cuirasse toute rouge, quoiqu’on y distinguât les circonférences élargies de trois énormes plaques de sang.

La stupeur de tous fit dans la chambre un grand silence, par-dessus lequel la voix du bal entra : musique sautante et joyeux murmures.

Édouard et la civière allèrent à la rencontre l’un de l’autre.

Capitaine Blunt avait les yeux fermés et les mains croisées sur sa poitrine. Il semblait dormir dans sa bravoure robuste et sereine.

Les deux porteurs, arrivés au centre du salon, déposèrent le brancard sur le parquet et s’écartèrent.

Mylord se trouvait à droite de la civière, Édouard à gauche. Ils s’agenouillèrent tous les deux en même temps.

Et leurs regards se heurtèrent par-dessus le cadavre.

— Noble ami, dit Mylord, c’est pour moi que tu as perdu la vie !

Au son de sa voix, l’aveugle tressaillit.

Édouard, lui, resta silencieux. La parole s’étranglait dans sa gorge.