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manda-t-il. J’ai ouï dire que nos aïeux étaient des géants, mon fils Domenico.

— Non, répliqua Mylord, nous étions deux. Venez.

Il avait aperçu une ombre couchée, à une vingtaine de pas, en remontant vers l’entrée de la grotte qui donnait sur les bosquets.

Il marcha vivement de ce côté, toujours suivi par M. de Sampierre.

C’était encore un cadavre, mais autour de celui-là le combat avait dû être terrible. La terre, à une grande distance, était labourée de piétinements et toute diaprée de taches sanglantes.

Le mort était renversé sur le dos, les bras étendus en croix. Il avait dans sa main droite un de ces couteaux mexicains qui portent le nom de machete, et dont la lame restait noire dans toute sa longueur.

À mesure que la lumière approchait, on reconnaissait mieux l’énergique et bonne figure de capitaine Blunt, avec ses noirs sourcils et ses cheveux grisonnants, touffus et ras comme un velours. Deux couteaux restaient fichés dans sa large poitrine. Au pied d’une roche derrière laquelle ils s’étaient, sans doute, embusqués avant la bataille, Frotin et Renaud, les derniers soldats du Poussah, gisaient l’un sur l’autre.

Ils avaient tous les deux la tête fendue.

— Voici celui qui était un géant ! dit Mylord avec emphase, voici mon vrai père ! mon vaillant bienfaiteur : Laurent de Tréglave !

Il s’agenouilla auprès de capitaine Blunt, deux fois poignardé, et lui tâta le cœur.