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puisa dans le coffre comme il eût fait dans son armoire, et en retira divers objets : entre autres une perruque noire et une superbe cravate de soie bleue.

D’un autre côté, les deux grandes rosses efflanquées, après avoir tourné péniblement, se mirent à allonger comme des tigres, au premier coup de fouet de Chopé.

En atteignant la rue de l’Université, M.  Chanut fit prendre à gauche, et mit la tête à la portière. Il vit la voiture de Laure à la hauteur de la rue de Beaune.

— La reconnais-tu ? demanda-t-il.

— Parbleu ! répondit Chopé ; c’est celle de Ville-d’Avray, et vous allez en conter à la payse, vous ?

M.  Chanut dit en riant :

— Ouvre l’œil et ne la perds pas de vue. Nous ne savons pas encore, bien au juste, où nous allons.

À la rue de Bourgogne, la voiture de Laure gagna le bord de l’eau et prit le quai d’Orsay. Chopé dit, avant de dépasser le pont :

— Il n’y aura pas épais de voitures ici le long de l’eau, et la dame se retourne souvent. Des yeux comme ça, ça doit voir d’aussi loin qu’une jumelle !

— Passe la rivière, ordonna M.  Chanut ; tu la veilleras aussi bien de l’autre côté.

Les équipages ne sont jamais bien nombreux sur cette mélancolique et belle route qui va du palais Bourbon au Champ-de-Mars. Quand Chopé eut enfilé au grand trot le pont de la Concorde et pris le cours la Reine, la charmante chaise découverte de Mme  de Vaudré se montra presque seule, atteignant déjà l’esplanade des Invalides.