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désert américain, l’indice le plus frivole en apparence raconte quelquefois toute une longue histoire.

Le fiacre, pour elle, c’était Vincent Chanut, c’est-à-dire un espion.

Pour nous autres naïfs, un fiacre-espion a ses stores baissés qui le dénoncent comme les lunettes vertes trahissent le déguisement d’un jaloux. Mais Laure n’aurait pas craint M.  Chanut derrière des stores baissés. Les stores baissés lui auraient dit au contraire : « M.  Chanut n’est pas là. »

Elle rendait justice à son adversaire et n’attendait point de lui la botte enfantine que tout le monde sait porter.

Et voyez ! Laure ne se trompait pas en soupçonnant le fiacre. À peine eut elle dépassé le fiacre, que le cocher descendit de son siège et entra dans l’allée de la maison voisine où il jeta son carrick sur les épaules du fumeur en manches de chemises qu’il coiffa de son chapeau.

Cet homme redevint ainsi le cocher, tandis que le cocher redevenait Vincent Chanut, qui se glissa aussitôt dans le fiacre.

— C’est de filer cette jolie voiture-là à la douce, dit-il au vrai cocher qui remontait sur son siège… Allume, Chopé, ma vieille !

— La petite dame a une crâne jument, répondit Chopé, mais on va bien voir !

Je penche à croire que ce fiacre, son attelage, en apparence lamentable et son cocher Chopé faisaient partie du mobilier industriel de l’établissement Chanut, car celui ci, ayant relevé le coussin du siège de derrière,