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drame, je sens cela, qui sait ce qui se passera d’ici à demain ? Pourquoi ai-je peur ? Ce nom d’Arregui a-t-il été prononcé au hasard ? ou bien quelque fantôme va-t-il sortir de terre ?

Elle secoua la tête brusquement.

— Il y a loin jusqu’à demain, fit-elle, et la partie doit être jouée cette nuit !

Elle alla rejoindre Hély qui lui dit en drapant le mantelet de soie sur ses épaules :

— Je m’y connais : madame la baronne vient de recevoir quelque heureuse nouvelle.

Laure répondit :

— On ne peut rien vous cacher, ma bonne ! Je suis, en effet, toute joyeuse. Prenez votre liberté jusqu’à ce soir, je reviendrai m’habiller pour le bal de l’hôtel de Sampierre.

— Ma liberté ! répartit Hély non sans une pointe de reproche, madame la baronne sait bien que je n’ai qu’une joie : nourrir mon esprit par la lecture et la méditation…

Laure descendait déjà l’escalier. Quand elle franchit la porte cochère, demi couchée gracieusement dans sa voiture découverte, elle éblouissait de jeunesse et de beauté.

Hély, demeurée seule, procéda sans retard à la nourriture de son âme. Dans la purification consolidée et concentrée, elles savent toutes préparer le Holy-Rod ou Rosée céleste. C’est un julep rafraîchissant qui se fait avec du madère, du sucre, de la cannelle, du romarin, un clou de girofle, une pincée de poivre et du genièvre