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marquis est devenu fou à bien bon compte. J’ai dix fois plus de raisons que lui pour perdre la tête… Allez, mes amis, allez et veillez !

La marquise se laissa choir sur un fauteuil en s’éventant vigoureusement.

Elle venait d’apercevoir un jeune homme qui marchait droit à elle de l’autre extrémité du salon.

Son cœur cessa de battre.

Nous ne saurions dire au lecteur qui était ce jeune homme, mais Domenica le reconnut incontinent pour son fils. Il passa sans la saluer ni même la voir.

Il avait affaire au buffet.

Un autre jeune homme parut, puis deux, puis trois. Par un mystérieux effet de sa préoccupation, Domenica ne voyait que des jeunes gens dans cette foule. Les jeunes gens lui cachaient tout le reste.

Elle n’en connaissait aucun. C’est un peu le propre de ces « superbes êtes, » dans le quasi-monde.

N’y demandez jamais à la maîtresse de la maison le nom d’une personne qui passe : ce serait de l’indiscrétion poussée jusqu’à la cruauté.

Mais si la bonne Domenica ne connaissait pas un seul de ces jeunes gens, elle les reconnaissait tous.

Son sein battait, son cœur s’élançait.

La voix du sang parlait en elle avec autant d’éloquence que d’impartialité. Elle adorait en bloc. Pour elle, partout, l’air de famille existait, et même la ressemblance.

Elle les appelait des yeux tous ces Domenicos qui ne se doutaient guère de leur bonheur, elle les magnétisait de