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Mylord se releva debout au milieu de la chambre. L’aveugle demanda :

— Est-ce vous, mon fils Yanuz ?

Mylord répliqua :

— Oui, ma mère, c’est moi.

Éliane trembla dans les bras de son mari qui se retourna et murmura :

— C’est l’homme d’hier au soir ! L’homme au couteau ! Je le reconnais.

Éliane essaya de se lever sur son lit. Elle semblait galvanisée.

L’aveugle reprit :

— Je vous attendais, mon fils : vous deviez venir à cette heure du dernier deuil. Que voulez-vous de moi ?

— Je veux le prix de mon sang, répondit Yanuz, qui n’avait pas changé de place. Vous m’avez marqué, tout enfant, de votre propre main, pour une destinée. Je viens chercher ma destinée.

Dans le silence qui suivit, Éliane fit signe à son mari qui se pencha davantage. La bouche froide de la mourante toucha presque l’oreille de Joseph. Elle murmura :

— Tu défendras Charlotte d’Aleix et celui qu’elle aime, au péril de ta vie, pour l’amour de moi ! je renie celui-là, je n’ai pas de frère !

L’aveugle fit un pas vers Yanuz et répéta :

— Que voulez-vous de moi ?

— Votre témoignage, répondit Mylord qui baissa la voix. Achevez ce que vous avez préparé il y a vingt ans. C’est cette nuit même que l’héritier de Sampierre