nola du même coup sa proie et sa vie, avoir raison de ce capitaine Blunt, aussi dangereux qu’Édouard lui-même, supprimer Mœris, Moffray, le père Preux, surtout, — puis Laure, — puis ces trois misérables habitants de la cité Donon : l’aveugle, sa fille, son gendre…
Quoi ! tout cela ? — Oui, tout.
Pour rester seul entre le marquis et la marquise de Sampierre, son père et sa mère, pour être un jeune prince à la conscience nette, au passé limpide, pour vivre honnêtement, décemment, sans peccadille de jeunesse, dans la plénitude de la purification consolidée du troisième degré : comme c’était son intention et sa vocation, je vous l’affirme !
Il y a des scélérats de cette vertu, qui poignardent comme on boit un verre d’eau, mais qui éprouvent la maladie du scrupule quand leur main a frôlé une robe de soie par hasard.
Ceux-là ne tuent pas à la manière des autres assassins ; ils sont d’acier comme les rasoirs, d’acier coupant et froid : si affilés qu’ils tranchent sans effort ni fatigue, c’est leur aptitude et leur entraînement ; ils n’ont pas d’autre défaut que d’être machines à tuer.
Ce sont des monstres, c’est vrai, mais non point du tout des monstres créés par l’imagination. Ils existent. Ce siècle en a vu plusieurs, et sans nos grandes misères historiques on parlerait peut-être encore du dernier, à qui le propriétaire d’un journal dit populaire voulait dresser une statue en faisant fondre tous les sous que cette « exception » lui avait fait gagner.