Page:Féval - Les Cinq - 1875, volume 2.djvu/304

Cette page a été validée par deux contributeurs.

d’échecs avec cette hardiesse que le proverbe recommande d’allier à la prudence.

Mais, depuis quelques heures, un étonnement l’avait prise, un trouble était entré dans ses combinaisons.

L’outil qu’elle avait aiguisé s’était tout à coup animé dans sa main.

L’instrument n’obéissait plus, il menaçait.

Et de tous côtés, au même instant, les événements se mettaient à menacer aussi.

L’homme qu’elle craignait peut-être le plus au monde, Laurent de Tréglave, le frère du vicomte Jean assassiné, sortait de terre.

Par une chance prodigieuse, elle avait mis la main, sans le savoir, sur l’héritier véritable de Sampierre en cherchant un imposteur et il lui était interdit d’utiliser cette bonne fortune qui se retournait contre elle.

Il y avait enfin le père Preux, ce gros coquin, plus dur que le caillou, qui savait par cœur son passé et comptait le lui mettre sur la gorge comme un couteau.

Et pour combattre tout cela, elle n’avait à sa solde que deux comparses, Mœris et Moffray, gagés par elle à la légère pour accomplir la besogne terre à terre qu’on a coutume de confier aux coulissiers de l’intrigue parisienne.

Elle avait, cependant, fait ses preuves de vaillance indomptable. Elle avait commencé à dessiner bravement, dans son entrevue avec M. Chanut, son plan de défense contre Laurent de Tréglave, ce paladin qui pouvait être, en définitive, reconquis d’un mot ou d’un sourire ; elle avait des raisons pour croire que Édouard Blunt, ré-