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vous répondre : je ne peux pas vous refuser. Entre la question que vous me posez et celles que je vais vous adresser moi-même, il existe je ne sais quelle connexité qui mêle évidemment nos intérêts. Aussi, tout ce que je sais, vous allez le savoir ; mais j’ai beau faire, je ne puis garder l’apparence de la résignation quand on me parle de cette malheureuse, de cette chère créature qui a été la douleur de toute mon existence.

Elle porta son mouchoir à ses yeux et continua d’une voix profondément émue :

— Maria ! ma sœur ! celle qui fut un jour la joie angélique du foyer de notre mère ! Je la vois encore, malgré les ans écoulés, je vois son sourire brillant et si doux, j’entends sa chanson chérie ! Mon Dieu ! comme nous l’aimions ! Quand notre mère mourut, j’étais la plus âgée et je gagnais déjà ma vie à instruire les enfants d’une famille américaine. Ma sœur, qui était restée en Europe, tomba sous la tutelle du frère de mon père, le docteur Strozzi…

La physionomie placide de M.  Chanut s’épanouit. Laure s’interrompit pour dire :

— Vous savez ces choses peut-être aussi bien que moi, peut-être mieux : j’en suis contente. Cela vous met à même de voir à quel point ma bonne volonté est sincère. Le docteur Strozzi, sans respect pour le nom qu’il portait comme nous, dressa ma sœur au métier de somnambule. Il alla plus loin…

— Madame la baronne, interrompit Chanut avec bonté, vous vous imposez une souffrance inutile. Je cherche un renseignement sur Antonio Arregui, voilà tout.