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Il était environ trois heures après midi. Le soleil d’août riait dans les feuillées épaisses du grand bois qui confinait au mur, et les plates-bandes chargeaient la brise de leurs tièdes parfums.

Le jardin de Mme Marion était désert. On voyait seulement, tout au bout, par intervalles et selon le hasard de sa promenade, Jabain, le soldat du père Preux, qui passait et repassait, le sabre à la main et la pipe à la bouche, dans l’allée de pruniers bordant la clôture du fond. Le sabre était pour Jules, le chien de M. Cervoyer. Jules, ennemi des militaires, suivait Jabain à distance, grondant patiemment et conservant l’espoir de mordre.

Le sabre était aussi pour les prunes ; de superbes reines-claudes dont la maturité, très-avancée, faisait presque des confitures. Jabain les aimait ainsi, et il en avait déjà piqué plusieurs quarterons. La pipe, depuis longtemps éteinte, plaidait son innocence, chaque fois qu’il passait en vue des fenêtres du salon.

Jules seul était le témoin indigné de cette escobarderie.

Au salon, les mâles odeurs de la bière, du tabac et de l’oignon que M. Preux portait partout avec lui, comme s’il avait eu un cabaret à l’intérieur de son vaste corps, combattaient avec énergie les parfums du dehors. On avait installé devant lui un guéridon, supportant un « moss » et un grand verre, auprès desquels reposaient sa blague et son mouchoir à carreaux.

Il tenait tout un canapé et semblait être seul de son bord, car les autres étaient assis en face de lui, auprès