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Comment cette métamorphose s’était-elle produite ? Il n’y avait aucun changement appréciable dans la toilette décrite par nous au début de l’entrevue de ce matin, entre Domenica et sa belle petite ; la coiffure seule avait été refaite à la hâte et sans aucune affectation d’austérité. On n’avait même pas ajouté de bonnet pour rendre le front maussade, ni de guimpe pour crier : « Voyez jusqu’où monte ma pudeur ! »

il n’y avait rien par le fait, sinon la comédienne elle-même et son prodigieux mérite. Sa volonté la transformait dans une mesure très-large, mais en même temps très-sobre, sans invraisemblance ni choc par la simple suppression des prestiges qui étaient le fruit de son art, aidé par l’étrange et longue complicité de la nature. Elle était belle à cette heure comme le sont les belles femmes ayant passé quarante ans, tristes de leur jeunesse perdue, et réfugiées aux étages les plus inaccessibles du sérieux.

Elle salua M.  Chanut avec une bienveillance grave et l’invita du geste à se rasseoir en disant :

— Je vous demande pardon de vous avoir fait attendre.

— C’est bien à madame la baronne de Vaudré que j’ai l’honneur de parler ? demanda Vincent Chanut respectueusement.

— Oui, répondit Laure, qui s’assit à son tour.

Elle tira de sa poche la carte de Vincent, qu’elle relut attentivement, puis elle releva sur lui son regard.

— Tout d’abord, dit-elle, je vous remercie de l’em-