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Édouard avait eu deux grandes affections auxquelles se mêlaient une confiance et un respect sans bornes : ses deux pères Blunt, comme il les appelait.

La mort de John Blunt (Jean de Tréglave) était le principal deuil de son existence et il avait reporté sur capitaine Blunt toute la tendresse de son cœur. Son admiration seule égalait cette tendresse profonde.

Il faut dire aussi que capitaine Blunt était un roi parmi les guerriers d’aventure : Achille et Ulysse à la fois, ayant du désert toutes les audaces et toutes les subtilités.

À Paris, l’affection d’Édouard tenait bon, mais le prestige avait disparu. Capitaine Blunt, dans nos rues, ne savait plus son chemin ; pour faire dix pas, il payait un guide.

Or, les échappés de Landerneau ou de Tombouctou sont tous les mêmes. Chacun d’eux ne se trompe que pour soi. Au moment précis où ils se disent dans la naïveté de leur orgueil : « J’ai deviné Paris, » ils regardent en pitié leur voisin qui n’entend goutte à Paris.

Pour Édouard, c’était une affaire jugée : Capitaine Blunt était noyé dans Paris, dont le niveau passait à cent pieds au-dessus de sa tête !

Il y avait entre le père et le fils une émulation, presque une querelle : Nous savons que capitaine Blunt, à tort ou à raison, avait laissé Édouard dans la plus complète ignorance au sujet de ses propres affaires, à lui Édouard ; il l’avait traité en petit garçon, dans une bien