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Charlotte n’osait plus interrompre. Elle laissa passer le nom de Chanut sans broncher.

— Tout cela n’empêche pas, continua Édouard, que j’ai désobéi pour elle à mon père Blunt, c’est mal… et que vous me mettez martel en tête, vous, Charlotte, à qui je crois comme en Dieu. Seulement pour se confesser, il faut savoir, et je vais vous dire tout franchement ce qui m’embarrasse. Sans cela, parbleu ! j’aurais déjà fini : Ce n’est pas l’envie qui me manque… Vous est-il arrivé d’avoir dans l’esprit quelque chose que vous croyez clair comme le jour et qui s’embrouille quand vous voulez l’exprimer ? C’est mon cas. Tout à l’heure, je pensais garder un secret, maintenant, j’ouvre mon sac et il me semble qu’il n’y a plus rien dedans. Assez de préambule ! comprenne qui pourra, je lâche tout ! Mme Marion ne m’a pas bien expliqué les raisons qu’elle a de m’aimer, mais elle en a, et c’est très-sérieux… Vous savez, si vous me regardez avec cet air consterné, je m’embrouillerai davantage… Elle est la veuve d’un homme considérable dont elle ne m’a pas dit le nom, mais de quel droit l’aurais-je interrogée ? Je crois qu’elle a un profond dévouement pour ma mère, ou peut-être même qu’elle est payée par ma mère. Vous savez que ma mère a fait des recherches…

— Je sais, dit Charlotte, voyant qu’il hésitait. Vous ne vous trompez pas : Mme Marion a été, en effet, employée par la marquise.

— Elle a le moyen de se reconnaître au milieu des imposteurs… car il y a beaucoup d’imposteurs…

— C’est trop vrai !