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nouveau docteur. On recommandait le calme par-dessus tout et les instants où je pouvais m’asseoir au chevet de Roland étaient sévèrement mesurés. Il me dit un jour : « Si tu voulais, » (nous nous parlions ainsi depuis l’enfance) « nous pourrions causer la nuit sans témoins, je te dirais de quoi j’ai peur. »

Ici Charlotte se leva et s’approcha de la boiserie à gauche de l’alcôve.

Elle toucha sans tâtonner le cœur de la rose sculptée et le panneau secret tourna sur ses gonds, montrant ce que nous avons vu déjà : un couloir étroit et obscur.

— Dès la nuit suivante, reprit Charlotte, je m’introduisis par ce passage qui donne dans le corridor. Personne ne couchait près de Roland, qui était gardé à l’extérieur par son nouveau valet Lorenzin, d’abord, ensuite par le docteur Leoffanti et Pernola, dont vous avez vu les chambres. Ah ! il ne manquait pas de soins !

Il eut une joie d’enfant, quand il me vit, et, tout de suite, il entama ses confidences. Il n’accusait personne. Il ne savait pas bien lui-même si les terreurs venaient de la réalité ou d’un mauvais rêve engendré par la fièvre qui le prenait tous les soirs à la même heure.

Voilà ce qu’il me dit : « Dans le tourment de mon premier sommeil, quand tout le monde est parti, il me semble, car je ne puis affirmer que j’aie vu, il me semble qu’on change la carafe qui est sur ma table de nuit… » — « Il ne faut plus boire ! » m’écriai-je. — Il me répondit : « Quand je m’éveille, c’est du feu que j’ai dans la poitrine : Je boirais ma mort, tant j’ai soif ! »

Je n’attendis pas au lendemain. Cette nuit-là même,