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le nuage balayé, et alors, vous apparaissiez sur la toile : je dis vous-même, trait pour trait, tel que je vous vois.

— Il me connaît donc ? s’écria Édouard.

— Le sais-je ?… Mais la première fois que je vous ai vu, je vous ai reconnu… Vous entendez bien : reconnu. J’avais regardé le portrait, la veille.

Il se fît un court silence.

— En Amérique, dit Édouard, il y a des gens qui croient aux choses surnaturelles…

— Moi, je n’y crois pas, interrompit Mlle d’Aleix. C’est une énigme dont le mot doit être votre existence même dans le passé comme dans l’avenir… Arrivons à mon bien-aimé Roland dont la mort fit de moi une veuve. Édouard, je n’ai jamais eu de frère ; ne détournez pas vos yeux de moi : je pense que ma profonde affection, car je souhaitais de suivre Roland au tombeau, était celle d’une sœur pour son frère. Ce que j’éprouve pour vous, je ne l’ai jamais connu que par vous.

Édouard appuya contre ses lèvres la belle main de Charlotte.

— C’était à mon tour d’être jaloux, murmura-t-il en essayant de sourire.

Mais sa voix était troublée et une grande émotion le tenait.

— Il m’aimait de tout son pauvre bon cœur, reprit Mlle d’Aleix qui avait les yeux mouillés. La marquise m’entourait d’une tendresse toute maternelle, et le marquis lui-même ne semblait content qu’aux heures