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M. de Sampierre. Il l’emporte avec lui quand Pernola le reconduit dans sa maison de santé. Quand son état permet qu’il revienne, il le rapporte au fond de sa malle, exactement calculée pour le contenir. C’est une énigme que cette toile. La cicatrice y est et parfois la cicatrice redevient blessure : blessure toute fraîche dont les lèvres entrouvertes saignent. Il y a des choses que je ne sais pas, d’autres que je sais et que je ne comprends pas. Parfois, il me semble que je devine, et alors, j’ai peur de la lumière qui se fait en moi.

Elle s’arrêta, pensive. Édouard demanda :

— Celui que vous appelez mon frère a été aussi assassiné ?

— Celui que j’appelle votre frère, répliqua Charlotte, était votre frère, j’en fais serment. Nous allons parler tout à l’heure de ces jours de deuil. Finissons ce qui vous concerne. C’est M. de Sampierre qui a peint son fils aîné, sa femme et lui-même. Il sait peindre comme il sait tout faire : très-mal et à la fois très-bien. Roland est frappant ; j’ai bien souvent pleuré en le regardant ; la marquise est parlante, et il semble que mon oncle Giammaria vive dans ce cadre. Quant à votre portrait, à vous, on dirait qu’il est pour beaucoup désormais dans la maladie mentale de votre père. La préoccupation principale du marquis est d’effacer sans cesse ce portrait pour le refaire toujours. La dernière fois qu’il est venu, la toile restait brouillée pendant des semaines entières : j’entends qu’il y avait un nuage informe entre la poitrine et la chevelure, car les cheveux ni le corps ne changent jamais. Mais, de temps en temps, je trouvais