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est bien malade, et il avait couru chez le médecin… J’ai attendu un bon moment, puis, je me préparais à entrer dans la maison de Joseph où je voyais de la lumière, quand un homme est venu sur moi, un jeune homme qui sortait de l’ombre de la masure voisine. Il faisait noir. Je voyais que sa tête penchait sur son épaule droite. Il m’a dit, et j’ai reconnu tout de suite un anglais, quoiqu’il eût très-peu d’accent : « — Que faites-vous là, M. Blunt ? » et avant que j’eusse répondu, il m’a porté un coup de poing, et très-pur, entre les deux yeux. Je n’aurais pas eu le temps de parer, j’ai baissé la tête. Il a grogné, disant : « C’est bien joué, » et tombant en garde de boxe, il a redoublé.

— Mais pourquoi ? demanda Charlotte.

— Vous allez voir, répondit Édouard qui s’animait en racontant. Avant de frapper le premier coup, moi, je lui ai demandé : « Ne vous trompez-vous point, mon ami ? » Il m’a répondu par une série si régulièrement détachée qu’on aurait dit un feu de peloton. J’ai paré, je connais le jeu de ceux de Londres, et, prenant mon temps, je l’ai touché ou creux de l’estomac. Il a reculé sans rien dire. J’ai repris : « Est-ce de l’argent qu’il vous faut ? » Il est revenu et j’ai vu quelque chose qui brillait dans sa main. C’est rare chez les Anglais, mais pourtant ça arrive. Il n’y avait plus à plaisanter, j’ai évité le couteau…

— Le couteau ! répéta Carlotta qui n’avait pas compris tout de suite.

— Et j’ai assommé l’homme, conclut Édouard Blunt en la recevant pour la seconde fois dans ses bras.