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n’aviez-vous pas deviné le cœur de cette pauvre femme qui est votre mère ?

— J’ai pensé souvent à mon père et à ma mère, prononça le jeune homme presque froidement.

Il voulut porter à ses lèvres la main de Mlle d’Aleix qui la retira.

— Aimeriez-vous mieux des mensonges ? demanda-t-il. Nous avons déjà causé de tout cela. Les Blunt sont ma famille. J’adore la mémoire de celui qui est mort et qui était mon vrai père.

Charlotte répondit en lui rendant sa main ;

— Vous avez raison. Vous aimerez bien votre mère, quand vous la connaîtrez…

— Oh ! de tout mon cœur ! s’écria Édouard. Et je donnerais tout au monde excepté vous pour l’embrasser !

— Moi ! répéta Mlle d’Aleix dont l’accent eut une nuance d’amertume.

Elle baissa les yeux et reprit :

— Pourquoi vouliez-vous porter la fortune de votre famille en Amérique ?

— Parce que je connais l’Amérique. Il y a des misères mortelles, mais factices, aussi aisées à guérir que les misères de votre vieille Europe sont, à ce qu’il semble, incurables. Ce sont des milliers d’êtres humains dépaysés, jetés dans le désert par le crime des spéculateurs Yankees et succombant à leur détresse au sein des plus riches contrées qui soient en l’univers. Chacune de ces têtes condamnées ajoute quelques dollars à l’inventaire des comptoirs américains qui font la traite des blancs