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Celle-ci, éclairée en profil perdu par la fenêtre, ouverte derrière elle, essuya furtivement une larme qui brillait en roulant sur la pâleur de sa joue.

Elle était merveilleusement belle dans cette tristesse qu’on devinait étrangère à sa nature. Il y avait peut-être longtemps que le rire des enfants heureux n’avait joué autour de cette adorable bouche, mais il en restait je ne sais quels vestiges, effacés à demi, et sous le poids d’un souci, trop lourd pour tant de jeunesse, l’ancienne gaieté perçait, tout éclairée de vaillance.

La noble vaillance de la femme qui ne désespère jamais.

Trois autres minutes se passèrent. Mme Chanut, qui écoutait Charlotte avec une attention croissante, lui prit les deux mains et dit :

— C’est pour vous que mon Vincent s’est mis aujourd’hui en campagne. Il y a plus de vingt ans qu’il a été mêlé, pour la première fois, à cette histoire de la famille de Sampierre. C’est un cœur patient, et je ne l’ai jamais vu se décourager.

— Si j’avais su qu’il s’occupait de nous… commença Mlle d’Aleix.

Elle s’interrompit pour ajouter :

— Mais je suis seule, et personne ne me conseille. Ce matin, je sens que nos heures sont comptées. J’ai appris par hasard le nom de M. Chanut, sa profession, l’intérêt qu’il porte à M. Blunt…

— De l’intérêt ! se récria la vieille dame. Ah ! c’est plus que de l’intérêt, je vous en réponds.

— Vous augmentez mes regrets, dit Charlotte.