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vage et dont ils font le privilège exclusif des Mohicans.

M. le comte Pernola, des marquis Sampietri, était peut-être de ceux qui entendent l’herbe pousser, à moins pourtant que son brusque mouvement vers les fenêtres n’appartînt à cet art qu’on appelle « mise en scène » au théâtre et sans lequel, assure-t-on, il ne faut plus songer à réussir dans les affaires de notre vie publique ou privée.

Son but en ce moment, était de frapper violemment le marquis ; chose à la fois très facile et très malaisée, parce que le marquis avait des sensibilités bizarres et des duretés impossibles à prévoir : tantôt impressionnable plus qu’une femmelette, tantôt inerte comme un caillou ; à la fois intelligent, subtil même, et obtus ; buvant l’émotion à la manière des éponges, mais ne la gardant pas plus qu’un vase fêlé ne conserve la liqueur ; despotique et timide en même temps, humble et orgueilleux, insaisissable parce qu’il ne se possédait pas lui-même, pauvre noble machine dont les rouages étaient aux trois quarts brisés.

Pernola savait jouer de cette machine autant qu’il est possible de connaître un instrument capricieux et détraqué. Il prenait ses moyens d’action où il pouvait et faisait flèche de tout bois.

M. de Sampierre avait éprouvé un ébranlement nerveux en le voyant s’élancer vers la croisée. Son visage avait exprimé une vague appréhension : nous savons qu’au fond de sa folie, feinte et vraie, tout à la fois, il y avait une terreur.