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— Domenica, je vous préviens que, dans un instant, vous allez être la maîtresse absolue de ma volonté. Je vous donne à feuilleter ce livre que toute créature humaine ferme avec tant de soin : ma conscience. Je n’ai jamais fait pour personne au monde ce que je fais ici pour vous, et pour personne au monde jamais plus je ne le ferai. Souvenez-vous que vous avez entre les mains un dépôt sacré ; n’en abusez pas pour satisfaire une curiosité frivole, — mais pour ce qui concerne votre poursuite maternelle, je vous autorise à user de moi sans réserve. Une fois endormie, si je refuse de répondre à vos questions, insistez ; si je m’obstine, ordonnez : si je me révolte, menacez !

— Vous menacer, moi, chère belle ! s’écria Domenica. Ah ! par exemple !

Au lieu de répliquer, Laure ouvrit avec lenteur ses yeux où il n’y avait plus de rayons.

Les cils de ses paupières semblaient pesants. Son regard, qui cherchait à fuir le miroir et la bague, erra un instant dans le vide.

Quand il rencontra enfin l’anneau, une commotion courte mais puissante secoua le corps de Laure, dont les lèvres blêmes exhalèrent une plainte.

Elle se dressa à demi, les deux mains sur les bras de son fauteuil.

Elle était belle à miracle dans cette lutte contre une force invisible.

Soit qu’il y eût quelque chose de réel dans cette mise en scène, soit que la charmante baronne jouât merveilleusement son personnage de pythonisse combattant