Page:Féval - Les Cinq - 1875, volume 1.pdf/374

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Croyez-vous qu’on pourrait jamais me ruiner ? demanda la marquise avec un sourire de pitié.

— Vous souvenez-vous que nous visitâmes ensemble la grande tonne d’Heidelberg ? murmura la baronne sans relever les yeux.

— Oui, eh bien ?

— Il ne faudrait qu’un petit trou de vrille pour la vider avec le temps.

Domenica poussa un gros soupir, mais elle haussa les épaules et répéta :

— Avec le temps ! Un siècle, alors, ou deux, et encore ! Ah ! chérie, allez, ce n’est pas la prudence qui me manque ! je n’ai confiance en personne. Certes je ne voudrais pas devenir pauvre, car il faut de l’argent pour chercher une aiguille dans mille charretées de foin, et c’est là ce que je fais, mais je voudrais au moins arrêter cette marée montante, cette marée d’argent qui me noie ! Je dépense, je donne tant que je peux et sans choisir, je jette, comme on dit, le bien par la fenêtre. Rien n’y fait, ma chérie. L’argent revient par la cheminée. Depuis six mois, j’ai eu deux successions… Tenez ! c’est comme pour mon embonpoint ! Vous riez ? Voilà ! Je fais rire. Je ne mange pas, je ne dors pas, je pleure la nuit, je pleure le jour et tous les mois mon poids gagne un livre : C’est terrible !

Elle essuya une larme qui lui venait dans un sourire et reprit brusquement :

— Mais ce n’est pas tout ça ! Il s’agit du service que vous allez me rendre. Où en étais-je ? à Pernola. Il a entre les mains mes pouvoirs authentiques et généraux