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Mme la marquise ne ressemblait plus beaucoup à la jeune princesse Paléologue, cette éblouissante étoile qui avait illuminé le ciel parisien en 1847. On voyait bien qu’elle avait été belle, mais l’embonpoint vainqueur la fatiguait presque autant que le chagrin. Nous l’avons dit : elle était folle du « plaisir. » Pour certaines natures, qui ne sont pas du tout des exceptions, c’est là une manière de porter le deuil. Elles se réfugient dans la foule et dans le bruit comme d’autres cherchent la solitude et le silence ; il leur faut du monde, à tout prix.

Seulement, le monde de la marquise n’était plus cette élite sidérale que nous vîmes autrefois rassemblée comme un brillant système de soleils, au milieu des miracles de l’hôtel Paléologue. Il y avait, à cet égard, décadence complète et assurément peu méritée.

Paris est un despote qui ne doit compte à personne ni de ses faveurs ni de ses dédains. Cette vérité s’applique surtout aux vogues exotiques qui montent très-vite, parce qu’aucun entourage ne les gêne, et qui descendent comme on tombe, parce qu’aucun entourage ne les maintient.

Il y avait du sombre dans le passé de la pauvre marquise. Ces grands noms mariés, Paléologue et Sampierre, éveillaient l’écho d’une sinistre rumeur. Paris n’avait jamais vu le fond de ce mystère, perdu au milieu des catastrophes judiciaires qui avilirent si étrangement l’agonie du règne heureux de Louis-Philippe, mais le souvenir surnageait d’un acte de sauvage violence accompli par un mari dans la chambre de sa femme en couches.