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M.  de Vaudré mourut au commencement de 1864. La baronne n’avait rien qui pût la retenir à Angers. En province on n’aime pas beaucoup ce qui s’élève au-dessus d’un certain niveau : Laure était aussi par trop belle. Elle vint porter son deuil à Paris. La famille et les alliances que feu le baron avait au faubourg Saint-Germain, rendirent les visites de Mme la baronne.

Après son deuil fini, elle vit du monde : j’entends du vrai monde, quoiqu’elle n’eût aucune prétention à faire partie de ce pur noyau qui est « le monde » par excellence, — à ce qu’il dit.

Ou plutôt, à ce qu’ils disent, car je pense que vous connaissez comme moi plusieurs douzaines de mondes, dont chacun, pour les heureux qui le composent, est le grand — et le seul !

Le monde de la baronne était au faubourg : bonne qualité de la seconde couche. Elle vivait comme une personne riche. Elle n’avait point d’enfant. Elle se donnait trente ans et n’en paraissait pas plus de vingt-cinq.

Je me méfie de celles ou de ceux qui restent trop longtemps jeunes. Elle est toujours froide et dure, soit bronze, soit marbre, la matière des statues sur le front desquelles passe, sans les entamer, l’injure des années.

Chose singulière : Dickens, qui avait souvent l’œil perçant de Balzac, disait en parlant de ces étoffes inusables : « Quand une femme a l’air de se vieillir de cinq ans, soyez sûr qu’elle se rajeunit de dix ans ! »

Auquel compte, ce ravissant portrait de la Joconde parisienne aurait frisé la quarantaine. Quelle folie !