Page:Féval - Les Cinq - 1875, volume 1.pdf/349

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Il y a des laideurs qu’on outrage en les nettoyant, il y a des beautés qu’il ne faut pas embellir sous peine de blasphème.

Mais laissons là le peintre et parlons du portrait.

C’était une brune à reflets fauves, presque dorés dans les clairs. Elle avait une robe de velours brun-rouge, sans garnitures. Point de bijoux, sauf trois étoiles dans la forêt de ses admirables cheveux.

Le premier coup d’œil reprochait un peu de maigreur aux contours de ce visage délicat dans son énergie ; le second regard n’y voyait que la jeunesse, l’esprit, le charme et aussi la passion voilée que perspirait la lumière profonde de ces grands yeux.

Et que parlons-nous de maigreur ? Le velours, entr’ouvert selon cet angle qui est l’honnêteté même, le franc milieu entre l’affichage ardent à montrer et la pruderie désolée de cacher, laissait voir une taille si riche dans sa sveltesse ! Cette blanche main demi fermée sur le livre, ouvert à demi, avait des lignes si pures ! Et quoi encore ? Tout, depuis le grave et fin sourire jusqu’à la féerie de ce pied, tout trahissait le don vraiment divin : la grâce, amour et désespoir de l’art.

On peut dire que Paris égrena devant ce portrait le chapelet entier de ses curiosités.

Les initiales L. de V… ne disaient rien aux bourgeois du dimanche. Pour les gens du vendredi, ces deux majuscules recouvraient, sans le cacher, le nom déjà connu, mais non point du tout « à la mode » de Mme la baronne Laure de Vaudré, veuve d’un gentilhomme An-