— Mon père, je sais que je vous dois tout et que vous ne me devez rien.
— Tu te trompes, garçon, répliqua Blunt avec simplicité, je te dois le dernier prétexte que j’ai de vivre. Sans toi, que ferais-je en ce monde ?
Édouard se dressa sur son séant et lui jeta ses deux bras autour du cou.
— Si vous saviez comme je vous aime ! s’écria-t-il.
— Oh ! garçon, je m’en doute, fit Blunt en lui rendant son étreinte de bon cœur, mais il y a quelqu’un que tu aimes encore mieux que moi.
— Ma mère… balbutia Édouard.
— Je ne serais pas jaloux de ta mère. Ma meilleure espérance est de te mettre bientôt dans ses bras.
— Parlez-moi d’elle, je vous en prie !
— As-tu donc peur qu’on ne te parle d’une autre ? prononça tout bas capitaine Blunt. Ta mère est comme toi gravement, cruellement menacée…
— Ne me sera-t-il jamais permis de la défendre ?
— Tu ne pourrais, en ce moment, que grandir son danger.
Édouard laissa retomber sa tête sur l’oreiller. Blunt s’assit au pied du lit. Il changea de ton pour demander :
— On causait, ici près, dans l’autre chambre, quand tu t’es éveillé ce matin.
— Oui, père, vous étiez avec ce M. Chanut.
— As-tu écouté ?
— Seulement pour savoir qui était là. Je m’étonnais que mon lit eût été changé de place.