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diction de sa race. Pétraki, son mari (je connaissais aussi celui-là), est mort violemment ; Éliane, sa fille, s’en va mourant de langueur ; elle attribue tout cela au péché. Son fils, car elle avait un fils qui serait du même âge que notre Édouard, a pris la fuite tout enfant… Attendez ? Elle n’a pas dit cela en propres termes, mais quand j’écoute de loin ses paroles, voilà ce que ma mémoire me rend… une chose effrayante en vérité ! Le père avait blessé le fils, il y a longtemps, longtemps. Le fils, qu’elle appelle Yanuz, n’était pas comme les autres enfants ; en grandissant, il gardait le souvenir de la blessure ouverte par son père… et la trace aussi, car sa tête penchée sur son épaule gauche, ne pouvait point se lever. La blessure était au cou. Il détestait son père, il menaçait son père, et comme il était blême de visage, il disait que son père lui avait pris tout son sang…

— A-t-elle dit ce qu’il était devenu ? demanda M.  Chanut qui semblait prendre à ce récit un intérêt extraordinaire.

— Attendez ! je cherche… Phatmi disait de temps en temps : « C’est le démon ! rien ne lui résiste, il fait tout ce qu’il veut… » Je ne sais plus le métier que menait son père, mais un jour il monta à l’échelle — très-haut. Yanuz se glissa sous l’échelle et en saisit le pied qu’il ébranla. « Que fais-tu ? » dit le père. L’enfant répliqua : « J’ai essayé déjà bien des fois, mais j’étais trop faible et l’échelle trop lourde, je ne pouvais pas la remuer. Maintenant, j’ai pris de la force. » Et il imprima au montant un choc tel que Pétraki chancela au haut des échelons.