Page:Féval - Les Cinq - 1875, volume 1.pdf/325

Cette page a été validée par deux contributeurs.

— C’est ici, dit M.  Chanut, que ce pauvre diable d’Arregui a passé sa dernière nuit. Il était Mexicain, il a voulu un prêtre et a bien promis de pardonner à ses ennemis. Mais son dernier soupir a glissé dans mon oreille ces mots : « Vengez-moi, amigo, et là-haut, je prierai pour vous ! »

Capitaine Blunt attendait. Il n’eût point su dire quel poids opprimait en ce moment sa poitrine.

Il éprouvait une angoisse qui ressemblait à de la terreur.

Pourquoi ?…

M.  Chanut plongea sa main dans le sac de voyage d’Arregui, et Blunt frissonna de la tête aux pieds. Il s’étonnait lui-même de la poignante émotion qui l’écrasait.

— Arregui, continua M.  Chanut, attribuait naturellement sa mort à cette femme que nous désignons entre nous sous le nom de la Française. En me donnant le portrait, il me dit : « C’est ressemblant comme deux gouttes d’eau, et vous la reconnaîtrez entre mille… »

Le pauvre Arregui s’était mal adressé ; je n’acceptai pas le soin de le venger, et si vous n’étiez pas venu, capitaine, le portrait n’aurait jamais vu le jour.

En achevant ces mots, M.  Chanut tendit à son compagnon une miniature dont l’entourage avait dû être en or, puisqu’on l’avait arraché.

Il n’y avait plus que la peinture sur sa feuille d’ivoire, écaillée aux extrémités.

La main de capitaine Blunt s’ouvrit, mais elle tremblait à faire pitié. Il regarda le portrait sans le voir, car il passa le revers de ses doigts sur ses yeux en murmurant :