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sa vie, elle a énormément souffert. Il n’y a plus en elle qu’une passion, ou plutôt une idée fixe et impossible : retrouver son fils Domenico. Elle court après le berceau qui disparut, il y a maintenant près de vingt ans…

— Absurde ! fit capitaine Blunt qui haussa les épaules en tournant la tête.

M.  Chanut le regarda du coin de l’œil et répéta :

— Absurde, c’est le mot… Pernola refusé, n’eut garde de se fâcher. Il voyagea, chargé des intérêts de son opulente cousine, en Roumanie et en Sardaigne, les poches pleines de procurations générales et spéciales…

— Et il est revenu ?

— Plus aimable et plus obligeant que jamais.

— Il n’y a plus personne à interdire, je suppose ?

— Ni à soigner.

— Savez-vous ce qu’il veut ?

— Carlotta d’Aleix va prendre ses dix-neuf ans ; je croyais avoir eu déjà l’honneur de vous le dire. Et M.  le comte est toujours garçon.

M.  Chanut serra ses deux lettres et croisa ses mains sur ses genoux en homme qui a gagné sa journée.

Il y eut un silence. Capitaine Blunt restait pensif.

— Mon cher monsieur, dit-il enfin, chaque pays a sa mode. Là-bas, nous n’aimons pas les devinailles. Faites-moi l’amitié de me regarder. Est-ce que je ressemble à un homme qui lâche de bon argent pour des paroles creuses ?