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Maria, à la bonne heure ! Il me faudra vous la peindre dix fois plutôt qu’une, en buste, en pied, de face et de profil. Ce n’était pas, celle-ci, la femelle de Fontanarose ; c’était l’arme vivante et choisie : la femme de combat qui, toute bardée de vaillance, de cruauté et de beauté, taille sa route dans la foule, comme le mineur éventre le roc.

Elle était déjà debout devant la pauvre glace qui pendait à la muraille nue. Elle se regardait avec une naïve admiration et sa voix trembla légèrement pendant qu’elle disait :

— Je voudrais que Laurent me vit ainsi !

— L’aimes-tu ? demanda Strozzi qui fronça le sourcil.

Au lieu de répondre elle dit en souriant :

— Et c’est cette lourde fille du Danube, cette Domenica qui est marquise et princesse ! Moi je ne suis rien que belle !

En prononçant ce dernier mot, elle se retourna, rayonnant un charme si puissant que Strozzi devint pâle et resta comme ébloui.

— L’aimes-tu ? répéta-t-il en baissant la voix malgré lui.

Elle garda encore le silence. Sa prunelle éclatait, limpide et dure comme le diamant.

— Je suis fou ! murmura Strozzi, tu n’aimes que toi et tu fais bien. Parlons affaires : Je vais t’apprendre ton rôle de ce soir, si tu veux.

— Je sais mon rôle, répliqua cette fois la belle fille. Je ne dormais pas, j’ai entendu. Je hais Domenica parce qu’elle m’a fait l’aumône.