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regard fixement noyé dans le vague. De temps en temps, des frémissements courts glissaient le long de ses veines.

Puis elle laissa tomber sa tête rêveuse entre ses mains qui se baignèrent dans les boucles de ses cheveux.

— Ma mère ! murmura-t-elle, je ne l’ai pas vue à son lit de mort, et peut-être m’eût-elle avoué la vérité à ce moment où le mensonge est impossible. Elle m’avait confiée à Domenica Paléologue quelque temps avant sa dernière heure. Je me souviens… On m’appelait princesse aussi chez ma mère ; mais, dans les premiers temps, ceux qui me nommaient ainsi souriaient, et, en parlant de moi, ils disaient : « la petite remplaçante… »

Elle ouvrit un tiroir du secrétaire et y prit deux médaillons dont chacun contenait un portrait.

Le premier représentait une femme de quarante ans à peu près, gardant les restes d’une grande beauté, mais vieillie avant l’âge par la maladie ou le chagrin. Nous eussions pourtant reconnu en elle cette noble créature, déshéritée par le vieux Michel Paléologue, et qui avait assisté sans se plaindre au mariage de sa nièce Domenica, lequel mariage donnait, en totalité, les biens immenses du prince Michel à M.  le marquis de Sampierre.

Carlotta mit ses lèvres sur ce portrait qui était celui de Michela, princesse d’Aleix.

Ce fut un baiser pieux et plein d’un respect tendre qui allait jusqu’au culte.