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tête, tournée du côté des convenances, malgré ses paupières loyalement baissées, Charlotte vit, car elle s’arrêta court, en dépit d’elle-même.

Quelque chose de plus fort que sa volonté la retourna tout d’une pièce vers le blessé pendant qu’une exclamation étouffée glissait entre ses lèvres.

Elle fit même un pas vers le matelas, et ses beaux yeux interrogèrent avidement la gorge du blessé que le flambeau, tenu par le médecin, mettait en pleine lumière.

Il y avait là une ligne profonde et plus blanche sur la blancheur de la peau.

Le médecin, qui avait remarqué le mouvement effrayé de la jeune fille, se mit à sourire et dit, prenant sans doute en pitié son ignorance :

— Oh ! madame, ne vous inquiétez pas de cela, c’est une cicatrice fort ancienne et guérie depuis bien longtemps !

L’aveugle tendit le cou comme pour écouter mieux et une nuance terreuse envahit sa joue. Sous son voile, Charlotte d’Aleix était pourpre.

— Monsieur, balbutia-t-elle en saluant le médecin, je vous remercie.

Sa voix tremblait si fort qu’on eut peine à l’entendre. Le docteur continua en reprenant son pansement :

— Aujourd’hui, l’arme n’a lésé que les chairs. La plaie est belle et sera réduite aisément. Le transport pourra avoir lieu sans danger dès que le blessé aura repris ses sens.

— Merci, répéta Charlotte qui s’éloigna aussitôt.