se devine derrière le voile ou même sous le masque. La visiteuse était riche sous sa toilette sombre et d’une extrême simplicité. Elle était surtout jolie à ravir, et belle aussi avec ses grands yeux d’un bleu presque noir qui peignaient la bonté, l’intelligence et la vaillance.
Ce fut elle qui parla la première.
— Pourquoi ne m’avez-vous pas fait savoir que vous aviez besoin de moi, bonne mère ? demanda-t-elle avec reproche.
— Parce que vous ne me devez rien, Charlotte d’Aleix, répondit l’aveugle. Je vous remercie d’être venue dans ma maison, — car c’est ma maison encore pour une nuit.
— Ce sera votre maison, tant que vous voudrez, ma bonne. Vous venez du pays d’Orient où étaient mes aïeux, et j’ai pour votre fille Hélène une véritable affection.
— Éliane mérite d’être aimée, répondit l’aveugle, en donnant au nom de sa fille la forme roumane. Elle n’est ni dure ni triste comme moi. Vous, pourquoi ne seriez-vous pas bonne ? Vous êtes heureuse.
— Heureuse ! répéta la jeune fille.
Les yeux de l’aveugle s’ouvrirent comme si, n’ayant plus la faculté de voir, ils pouvaient entendre. Elle dit après un silence :
— Maîtresse Michela, votre mère, avait un grand cœur !
— Écoutez, dit Charlotte, je suis obligée de me cacher pour venir chez vous, et nous sommes à Paris où il y a toujours danger pour une jeune fille à se cacher.