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main sur l’assassin qui se prosterna en gémissant ces mots :

— Tuez-moi, ce sera bien fait !

— Coquin ! dit le jeune homme, tu étais avec l’autre !

— Tuez-moi ! répéta Joseph Chaix. Je souffre trop à les voir souffrir ! Je l’ai mérité : tuez-moi !

Sa tête se pencha sur son épaule. Le jeune homme le lâcha.

Joseph n’essaya ni de se relever ni de fuir.

En ce moment, dans la ruelle Donon, de l’autre côté de la place, une lueur apparut à la fenêtre de la seconde masure, dont la porte venait de s’ouvrir et de se refermer pour donner passage à une jeune femme vêtue de noir.

C’était le logis de cette grande femme aveugle qu’on appelait la Tartare et que le père Preux comptait expulser le lendemain avec sa fille malade et son gendre Joseph Chaix. Un large écriteau, « brossé à la découpure » et collé sur la muraille disait déjà depuis huit jours : Pavillon à louer.

La lumière était dans la pièce d’entrée, éclairant l’aveugle debout et la jeune visiteuse, assise sur sa chaise de paille. Un rayon pénétrant dans la seconde chambre, à travers la porte ouverte, montrait un pauvre lit où dormait cette enfant si pâle qui était la femme de Joseph Chaix.

Tout ici était pauvre jusqu’à la nudité, mais propre et fier. Et je ne sais pourquoi cette atmosphère de fierté ajoutait à la morne tristesse du lieu.

La richesse a une saveur à soi, comme la beauté qui