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CHAPITRE XVIII.

le bac et fut bientôt sur l’autre bord. Au moment où il touchait la rive, la lueur faible qui éclairait toujours, à cette heure, la loge du pauvre Benoît, frappa son regard. Il monta, en courant, le petit sentier, et pénétra dans la cabane.

— Que Dieu vous bénisse, Penhoël !… lui dit Haligan comme il passait le seuil ; voilà l’orage qui vient… je le sens aux douleurs de mon pauvre corps.

— Y a-t-il du nouveau au manoir ?… demanda Vincent timidement.

— Le manoir est debout, mon fils… répliqua Benoît qui restait immobile, couché sur le dos et les yeux fixés à la charpente fumeuse de sa loge.

Vincent respira.

— J’avais peur !… murmura-t-il.

Puis il ajouta gaiement :

— Comment se porte mon bon père ?

— Ton père se porte comme un homme chassé de son dernier asile…, répondit Haligan.

Vincent recula stupéfait.

— Quoi !… s’écria-t-il, Penhoël a chassé mon vieux père ?

— Mon fils, répliqua le passeur, Penhoël ne peut plus donner d’asile à personne… On l’a chassé lui-même du manoir.