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LES BELLES-DE-NUIT.

Il se disait que Marthe l’oublierait. À l’âge qu’elle avait, les impressions ne peuvent être durables. C’était un beau jeune homme que René de Penhoël, et c’était un bon cœur. À la longue, Marthe ne pourrait se défendre de l’aimer.

En cela Louis se trompait encore.

Le lendemain de son départ, avant le lendemain peut-être, alors que sa fièvre fut passée, il changea sans doute de sentiment. Son action lui apparut ce qu’elle était en réalité : généreuse d’une part, condamnable de l’autre, mais pouvait-il revenir sur ses pas ?

Les jours se passèrent, et l’amertume de ses regrets s’envenima, loin de s’adoucir. Il y avait en lui un remords, parce qu’il ne s’était pas sacrifié tout seul. Il y avait surtout une douleur incurable et profonde, parce qu’il sentait son amour grandir, et qu’il comprenait bien que son malheur était de ceux qui ne finissent point.

Il n’avait pas mesuré ses forces ; il ne savait pas lui-même jusqu’à quel point il aimait.

Nous apprendrons tout à l’heure comment fut vaincue la résistance de Marthe, et par quel moyen René devint son mari.

Cette répugnance avait été vive et obstinée. Une fois marié, le maître de Penhoël s’en souvint. Les longs refus de la jeune fille, combinés