Page:Féval - Les Belles-de-nuit ou les Anges de la famille, tome 3, 1850.djvu/135

Cette page a été validée par deux contributeurs.
133
CHAPITRE II.

Il se souvenait de la question singulière que l’Anglais lui avait adressée avant de l’admettre en sa compagnie.

Le front de milord se rembrunit quelque peu.

— On ne sait pas expliquer ces choses-là…, répondit-il. J’arrive de Brest… J’ai fait malgré moi quatre-vingts lieues en Bretagne, et je promets bien qu’on ne m’y reprendra plus !… C’est peut-être un travers… mais ces trois jours m’ont paru plus longs que trois années… J’avais envie de contrarier quelqu’un, de blesser, de me venger.

— Et vous m’avez pris pour victime ?

— Je trouverai bien l’occasion d’expier ma faute, mon jeune camarade… Pour commencer, je vous dirai que Vitré est un admirable point de vue.

— Franchement ?

— Franchement… Que de poésie dans ces ruines antiques !… J’avais à peu près votre âge… Je voyageais à pied, un bâton de houx à la main et mon petit paquet sur le dos. Je me souviens que je m’arrêtai au détour de la route, à l’endroit même où vous avez poussé ce cri qui m’a réveillé en sursaut… Je m’assis au revers d’un talus, et je restai là une grande demi-heure en extase.