Page:Féval - Les Belles-de-nuit ou les Anges de la famille, tome 3, 1850.djvu/124

Cette page a été validée par deux contributeurs.
122
LES BELLES-DE-NUIT.

geur pudique montant à son front de vierge.

Roger lui écrirait à Paris, mais quand ? Mon Dieu ! des jours entiers avant de savoir !…

Comme il songeait ainsi, son regard se tourna par aventure vers le compagnon de voyage que le hasard lui avait donné. Il ne l’avait point examiné encore, et ce premier coup d’œil lui fit faire un mouvement de surprise.

L’Anglais était à demi couché sur les coussins de la diligence ; ses pieds se perdaient dans la fourrure épaisse ; le grand châle de cachemire qu’il avait mis derrière sa tête, pour s’affranchir de tout contact avec les parois de la diligence, retombait sur son front et lui faisait une sorte de coiffure étrange. Ses magnifiques cheveux noirs s’échappaient confusément des plis du cachemire et venaient boucler jusque sur ses épaules.

Étienne fit trêve à ses souvenirs pour admirer le dessin fier et régulier de cette tête si complétement belle. Il ne se rappelait point d’avoir rencontré jamais, dans sa vie d’artiste, un modèle aussi parfait.

Plus il contemplait l’Anglais, plus il découvrait de noblesse intelligente et mâle sur ses traits au repos.

Il dessinait par la pensée ce front, pur comme le front d’un adolescent, et pourtant chargé de