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LES BELLES-DE-NUIT.

que la province accorde au premier paltoquet qui laisse croître ses cheveux ou sa barbe et porte un chapeau ridicule, ne lui allait pas à la cheville.

Il y eut dans la foule un murmure d’étonnement, nous allions dire de respect.

L’Anglais ne portait cependant qu’un costume de voyage assez simple. Une redingote à brandebourgs, comme c’était la mode alors, serrait sa taille haute et d’une rare élégance. Pour coiffure il avait une petite casquette anglaise de laquelle s’échappaient, en boucles naturelles, ses cheveux noirs, soyeux et lustrés.

Tandis qu’il traversait la cour lentement, chacun put admirer son visage noble et fier, et le dessin régulier de ses traits, brunis par le soleil.

Une nuée de ces mendiants sales et hideux, qui pullulent dans les rues de Rennes, se pressait sur son passage en faisant assaut de criailleries et de lamentations.

La foule pensait que l’Anglais allait les combler de gros sous ; mais celui-ci n’eut pas même l’air de les apercevoir et monta dans le coupé, dont il ferma la portière sur lui.

— En route !… cria le conducteur en se pendant à la courroie de l’impériale.

Le postillon fit claquer son fouet.

— Bonne âme charitable !… chantait le chœur