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outre, parmi les hobereaux du voisinage, il en était jusqu’à deux ou trois qui se vantaient avec orgueil d’avoir passé quinze jours, en leur vie, dans la capitale du monde civilisé.

Or les hobereaux qui ont fait le grand voyage ont une manière à eux d’exagérer leurs impressions et d’enluminer la vérité.

Cyprienne et Diane en auraient pu apprendre bien plus long auprès de Robert de Blois et des deux Pontalès, mais une répulsion énergique les éloignait de ces derniers, et Robert, qu’elles étaient forcées de voir tous les jours, prenait plaisir à entasser fables sur fables.

Il en était un peu de même d’Étienne Moreau, le jeune peintre. Certes, ce n’était point chez lui mauvais vouloir ou amour du mensonge, mais, dès qu’il s’agissait de Paris, le regard des deux sœurs brillait et s’animait ; Étienne les voyait écouter avec une attention si passionnée, qu’à son insu sa verve s’échauffait. Les couleurs du tableau changeaient sous sa parole jeune et vive. Il aimait Paris, lui aussi, et son souvenir avait des yeux de vingt ans. Malgré lui, la réalité disparaissait sous un brillant manteau de poésie.

Tant de notions diverses se mêlaient et s’amoncelaient dans la mémoire de Diane et de Cyprienne. Elles n’en oubliaient aucune, et les