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prédisposition qu’elles avaient à compter avec le merveilleux.

Elles étaient de ce pays où les traditions sont de beaux contes de fées, et où les imaginations tristes et poétiques tâchent sans cesse à soulever le voile qui recouvre les choses surnaturelles. Leurs premières nuits avaient été bercées par ces étranges récits qui épouvantent et charment les chaumières bretonnes. Nul enseignement raisonné n’avait arraché ces germes qui, au contraire, avaient grandi dans la libre solitude où s’était passée leur enfance. Elles avaient appris à lire dans les vieux livres de la bibliothèque du manoir, qui se composait presque entièrement d’anciens poèmes et de romans oubliés dans la poudre. Benoît Haligan les avait tenues bien souvent sur ses genoux, toutes petites qu’elles étaient, et leur avait récité, avec sa voix profonde et son mélancolique sourire, les étranges légendes qui emplissaient sa mémoire. Enfin, il n’y avait pas jusqu’au souvenir vivace, laissé dans le pays par leur oncle, l’aîné de Penhoël, qui n’eût affecté bizarrement leurs jeunes esprits.

On parlait de sa disparition mystérieuse, et l’on en parlait sans cesse. Pour Diane et Cyprienne, c’était là encore un roman, mais un roman réel qui les touchait de près, et leur servait de pont, en quelque sorte, pour arriver à