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même un observateur clairvoyant aurait pu distinguer chez elle, vis-à-vis des deux jeunes filles, une nuance de froideur qui n’était point dans sa nature.

Cela était d’autant plus étrange que Marthe traitait l’oncle Jean comme un père, et prenait à tâche de le dédommager des brusqueries souvent brutales du maître de Penhoël.

Mais Marthe avait pour sa fille un amour exclusif sans doute. En ce cœur plein il ne restait plus de place pour un sentiment secondaire.

Diane et Cyprienne ne se plaignaient point. C’étaient toujours le même empressement et la même ardeur. On eût dit parfois, tant elles gardaient de courage à aimer Madame, malgré sa froideur inflexible, on eût dit qu’elles pensaient que cette froideur était feinte.

Elles avaient à peine connu leur mère, qui était morte peu de temps après leur naissance. Enfants, elles avaient été libres et même un peu abandonnées ; jeunes filles, elles étaient libres encore. Personne, au manoir, ne s’avisait de contrôler leurs actions. L’oncle Jean avait en elles une pleine confiance. Le maître de Penhoël n’exigeait rien d’elles sinon parfois, le soir, à des intervalles de plus en plus rares, quelques-unes de ces anciennes chansons bretonnes qu’elles disaient en s’accompagnant de leurs